par Marie-Christine et Jean-Paul Tavin

Loin des immeubles nobles de la façade des quais XVIIIème de Bordeaux qui font la réputation de la ville, l’habitat bordelais est bien différent de ce que présentent les guides touristiques. En arpentant la ville et ses faubourgs, on constatera que les rues sont bordées de petites maisons basses, les « échoppes » qui ont un côté simple et modeste en un mot humain !

Initialement destinées à abriter une population ouvrière, les échoppes bordelaises sont aujourd’hui devenues un habitat très prisé !

A l’origine, l’eschoppechoppe ou choppa, était un appentis en bois, appuyé sur les remparts de la ville, abritant les activités des artisans et des commerçants.

Le terme a perduré en s’adaptant aux nouveaux usages et a fini par désigner un type d’habitat apparu au XVIIIème, à la faveur d’une période économique faste, situé en périphérie de la ville.

La particularité de l’échoppe est d’être une maison en pierre de taille (Bordeaux oblige) mitoyenne et d’un seul niveau, entre rue et jardin. Le jardin à l’arrière étant un jardin potager qui permettait à la famille de subsister.

A l’avant, la rue était un prolongement naturel de l’espace privé, et les enfants pouvaient jouer et les gens s’asseoir pour discuter (on vous parle d’un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître, où la sécurité régnait, où les écrans et réseaux sociaux n’avaient pas pris le pas sur la convivialité directe…)

Dès le XVIIIème siècle, mais surtout dans le courant du XIXème, période d’essor économique important, la population de Bordeaux augmente en raison de l’arrivée d’ouvriers agricoles attirés par les emplois. De nouveaux quartiers sont créés, dans lesquels on retrouve des alignements d’échoppes.

Modeste, l’échoppe « simple » ne possède sur l’avant qu’une porte d’entrée et une fenêtre. Sans ou avec peu de décoration sur sa façade, elle est généralement conçue pour les ouvriers. Elle se compose de trois pièces en enfilade distribuées par le couloir latéral avec la courante pièce noire au milieu. Elle appartient souvent à un propriétaire qui en possède plusieurs. 

Plus cossue, l’échoppe « double » dispose d’une à deux fenêtres de part et d’autre de la porte d’entrée. Elle reprend les mêmes caractéristiques que l’échoppe simple, le couloir central distribuant quatre à six pièces. Sa façade est souvent ouvragée.

L’échoppe est construite en pierre de taille, sa toiture est asymétrique avec un faîtage parallèle à la rue, les tuiles sont le plus souvent des tuiles de Gironde. Les portes d’entrée, les volets, les menuiseries et les parquets sont en bois de chêne ou de pin. La porte est le plus souvent surmontée d’une imposte vitrée qui permet d’éclairer le couloir. Le soupirail côté rue constitue souvent le seul accès à la cave, qui permettait de stocker le charbon. Au fil des ans, sont venus s’ajouter la souillarde, les toilettes et la véranda.

La décoration des façades est plus ou moins riche. Depuis la simple bordure de denticules sous la corniche, les frises se décorent, au fur et à mesure des époques, de feuilles d’acanthe ou d’arabesques tandis que les linteaux des portes et fenêtres s’agrémentent de guirlandes de fleurs et de fruits, de mascarons à tête humaine ou animale.

Les échoppes sont principalement situées dans certains quartiers de Bordeaux mais on en trouve aussi dans les communes proches.

Il y en aurait plus de 10 000 ! Elles constituent un bien recherché et prisé qui permet à ses heureux propriétaires (ou locataires) de résider en ville tout en se sentant à la campagne grâce au jardin à l’arrière de la maison.

L’échoppe bordelaise est un élément architectural incontournable de la ville de Bordeaux (et de sa périphérie). Massive, presque austère (Bordeaux oblige), elle est un modèle d’agencement et d’intégration urbaine réussie.